VERNISSAGE: Samedi 30 Avril 2011- 5-8pm
CAUSERIE D’ARTISTE: Dim. 1er Mai 2-3:30pm
EXPOSITION présentée jusqu’au 28 Mai 2011
HORAIRES: Mar-Ven 10am-6pm, Sam 2-6pm

Entre la maison et le champ

Une écologie des symboles émane des photographies de Julie Forgues. Poussière, détritus, nature, piles de tout et n’importe quoi, arbres dont la forme est usée par le vent, traces des camions, graviers, pierres. Ces clichés noirs et blancs semblent osciller sur un paysage que nous savons en métamorphose. Nous savons qu’il s’agit du passé. Nous savons que, de fait, ce paysage a évolué si rapidement sans que quelqu’un puisse lui porter un regard attentionné, que ce paysage n’a jamais vraiment été là. Ses photos captent un paysage défiguré, délabré; les aires de vie, grises, entre la ville et la campagne. Habitées par des insectes, rongeurs, petits oiseaux, il y a une dépression post apocalyptique au sujet saisi dans sa pellicule.

La série, une documentation continuelle de la région de Moncton, BC, s’intitule trans form-[n]ation. L’artiste l’installe délibérément à l’extérieur du mur, en amenant une texture vivante à cette nature qui parait exister de manière approximative, et qui ne peut que se concentrer sur soi-même (pas d’une manière égoïste, bien sûr. Il s’agit d’une question de survie dans le cas de ces photos non encadrées). Ce sont des champs ouverts au changement.

À l’opposé, les images de Keung sont fermement accrochées au mur. Elle a crée deux séries de photographies couleur. L’une est imprimée grandeur nature et l’autre est une version réduite extraite d’une vidéo.

Les images grandeur nature sont des impressions C-prints aux titres à rallonge et vertueux. La Victoire Appartient aux Plus Persévérants;La Discipline La Plus Grande, La Dévotion La Plus Haute, L’Excellence Revient À Ce Que Nous Sommes sont respectivement des citations de Napoléon Bonaparte, de l’entraineur de basketball de Princeton Pete Carrill et de l’ancien joueur de la Ligue de Football Américain, entraineur et commentateur à la chaîne ESPN Mike Ditka. Les photographies sont des autoportraits de Keung lors de moments de grande concentration qui transforment son expression extérieure en un « jeu de visage » ardu. Dans un des clichés elle apparaît pratiquant un coup de point de Tae Kwon Do, tandis que sur un autre elle paraît s’échauffer les bras avant de faire du ski.

La série de plus petit format, émanant d’une vidéo Levant la Jambe : À Mi hauteur, Baissée, Remontée (Tryptique) est formée de trois prises d’un même mouvement, semblable à des cellules d’animation . Le mouvement débute avec l’artiste qui se penche en arrière – Urdhva Dhanurasana est le terme utilisé en yoga. De là, elle lève et étend sa jambe droite en donnant un autre coup. Celui-ci est plus ample, ce qui est révélateur du fait qu’elle le pratique sur le toit d’un immeuble.

Dans les deux séries, il y a un silence, un signe de respect, comme pour rendre hommage que ce soit au corps de l’artiste, à la fois puissant et encombrant, ou au terrain nu aux paysages de banlieue. Ce sont des documents du « ni/ni ». La force des mouvements et les expressions faciales qui manquent l’effort rappellent la terminologie de la maison et du corps humain. L’adage « Solide comme un roc » vient à l’esprit, ainsi que l’ancien concept que le corps serait un temple. Peut-être ceci s’explique parce que je sais de Keung est une bâtisseuse de maisons.

L’observation froide de Forgues contraste avec son sujet sauvage et vaste telle une pile de terre qui cuit au soleil. Je suis livrée à l’impression nette qu’une grande partie de son paysage se situe au long des autoroutes du Nouveau Brunswick aux alentours de Moncton. Ce sont des microsystèmes, à mi-chemin entre l’usé et le neuf. Qu’adviendra-t-il de ce champ lorsqu’il sera tombé dans l’abandon?

Les pratiques de chacune des artistes comprennent des caractéristiques, processus et sensibilités qui lui sont propres. Celle de Forgues est réflechie tandis que celles de Keung est dynamique. Forgues démontre une attention particulière aux territoires tombés vite dans l’oubli. Keung emploie les conséquences physique du temps sur le corps humain, vivant.

Certains disent qu’un champ n’est pas un champ s’il n’a pas une maison, et qu’une maison n’est pas une maison si elle n’a pas un champ. Une tempête ne peut frapper les vitres qui ne sont pas là, comme l’herbe ne peut chanter sans qu’il y ait d’oreilles pour l’écouter. Je propose alors qu’on retrouve Forgues et Keung entre la maison et le champ, où la cause retrouve l’effet.

Le Labo remercie chaleureusement ses partenaires pour leur soutien généreux:
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