Carte blanche d’écriture

Ophélie Pichon

Nicole Blundell est une cinéaste vivant à Ottawa et professeure en pellicule au CEAO, école francophone. Elle fait partie du collectif Lightproof, qui explore les pratiques expérimentales tout en faisant un focus sur la création et la présentation des œuvres. Elle y trouve la possibilité de parler de son travail, de partager la chimie, les connaissances, le matériel mais aussi d’être le lien entre les générations en invitant des étudiant.es à venir voir les films, et parler avec les artistes. Elle donne une grande importance au français de par sa création, mais aussi en faisant un travail de traduction pour enrichir les archives d’œuvres expérimentales et la langue.

Filmant avec des pellicules 8mm et du 16 mm, la pratique de Nicole n’exclut pas le numérique qui compose une grande partie de ses montages. Ce médium lui apporte beaucoup de plaisir de par la rencontre avec la matière, la fragilité ainsi que l’attention et la patience à avoir.

“J’ai commencé par-là, la photo argentique, la solitude de la chambre noire, le silence, le travail dans l’obscurité. Travailler avec la pellicule c’est très lent, et le développement à la main à quelque chose excessivement tactile… Il y a aussi l’attente, je ne peux pas voir ce que j’ai filmé, et entre les choix et les décisions qui m’appartiennent vraiment… j’ai fait de très belles erreurs.”

Son film Transmission a été créé grâce à une bourse du conseil des arts du Canada suite à une commission du Lightproof. Leur mandat était de n’utiliser qu’un rouleau de pellicule, puis de faire des prints (ce qui implique la possibilité de mettre le film directement dans le projecteur avec son). Le montage est fait à la main:  l’effet du triptyque, les couleurs qui sont directement peintes sur la pellicule. Quand au sujet Nicole se demandait si: “ lorsqu’on dit quelque chose, est-ce bien reçu? Qu’est ce qui empêche un message d’être transmis?”. La bande son est un enregistrement de la voix de son père décédé aujourd’hui, parlant à son petit-fils des fruits, des légumes et des étoiles. Une transmission du français à une jeune génération, une chose importante pour lui.

En réel artisane de la matière, elle me rappelle qu’avec le numérique, les choses sont choisies pour nous, qu’ il y a des filtres, oui, mais cela ne sont pas de notre invention. Avec l’argentique on est dans une autre temporalité, avec intention et pleinement dans le moment présent.

Une version des faits nous dresse le portrait de la mystérieuse œuvre disparue de Charles Daudelin réalisée en 1982 avec des étudiants à Ottawa. La magie de cette fiction documentaire réside dans le fait que toutes les images ont été filmées par Nicole. Comme la transmission d’un mythe, les interview viennent d’archives écrites, relues par des connaissances de la cinéaste. Il n’existe que très peu d’images publiques de cette œuvre, ayant disparu du jour au lendemain. Les visuels ont été donnés par la famille Daudelin puis filmés à la pellicule par l’artiste, comme des archives documentaires. Nicole, avec sa place de cinéaste d’un docu fiction expérimental n’a pas voulu savoir ce que l’œuvre est finalement devenue, mais tout simplement rendre hommage à son existence. Tout en nous pousse à nous questionner sur le droit à faire disparaître des œuvres d’art, ce que cela veut dire sur nos sociétés, sur la place du beau, de l’incompréhensible, et la vie que cela produit.



Ce texte a été composé dans le cadre du partenariat du Labo et du festival CinéFranco qui présente les films de 6 cinéastes francophones du Labo dans la catégorie Court-Toujours.