Un espace d’exposition alternatif, en collaboration avec l’Université de l’Ontario français

*9 Lower Jarvis Street, Toronto

de gauche à droite : Madi Piller, Nadine Valcin, Nicole Croiset

De février à mai 2024, découvrez les œuvres de Madi Piller, Nicole Croiset, et Nadine Valcin, présentées consécutivement dans l’enceinte de l’Université de l’Ontario français. C’est dans le but de faire rayonner les pratiques d’artistes membres du Labo et de favoriser le partage d’expertises entre le milieu des arts et la communauté universitaire francophone que le projet En vitrine fut créé. Les œuvres incitant à la réflexion et à la participation seront accompagnées de projets de médiation développés par trois stagiaires du baccalauréat spécialisé en études des cultures numériques de l’UOF. Ces contributions étudiantes, sous la coordination de Steve Junior Kawe Kamdje, étudiant de troisième année en cultures numériques, permettront de mettre en pratique leurs apprentissages dans un contexte expérientiel en faisant appel à différentes technologies pour favoriser une médiation culturelle.

MADI PILLER : Reflet cosmique
avec une contribution de Serena Erica Simo Kenmoe
16 février – 15 mars 2024

🎧 Écoutez le reportage de l’étudiant Steve Kawe à propos de l’inauguration sur YOUTUBE

NICOLE CROISET : Jardin à papillons virtuel
avec une contribution de Gradora Uniah Molaire
22 mars – 19 avril 2024

🎧 Écoutez le reportage de l’étudiant Steve Kawe sur YOUTUBE

NADINE VALCIN : ÉMERGENCE
avec une contribution d’Emilie Fotsing
26 avril – 24 mai 2024

🎧 Écoutez le reportage de l’étudiant Steve Kawe sur SPOTIFY

Dans l’espace d’une vitrine, un lieu alternatif d’exposition et de collaboration entre artistes et apprenant-e-s, une série de projets s’installe. La trame narrative de ces trois expositions éphémères se dessine au fil des échanges; elle subit des mutations en cours de route, à travers l’investigation collective des possibles.

Ralentir et laisser place à l’expérimentation, une ligne directrice qui traverse les projets du Labo en cette saison prolongée de jachère. La vie telle qu’elle est menée dans les sociétés occidentales est marquée d’une quête incessante de croissance et d’innovation. Sous le signe de l’accélération, la fonction émancipatrice de l’art est à la fois réifiée et remise en question. Peut-on continuer de créer et d’innover dans l’urgence et l’incertitude? L’art peut-il encore catalyser les transformations sociales et culturelles dont notre époque a désespérément besoin? Tout va t-il trop vite? Si les promesses du numérique (connectivité, rapidité, navigation d’un monde sans friction) se sont réalisées, ces développements technologiques ont aussi démontré leurs périls. Confrontés à une forte individualisation des usagers, il nous faut maintenant travailler à reculons pour se libérer de ces structures. Toutefois, une interrogation s’impose : mises au service de l’art et détournées par des artistes, ces technologies ne pourraient-elles pas permettre une façon autre de se recentrer, de décélérer, de prêter attention, et d’être à l’écoute? 

Les artistes Madi Piller, Nicole Croiset, et Nadine Valcin par le cinéma expérimental, l’art numérique interactif et l’installation vidéo, abordent de façon singulière et engagée des questions qui requièrent d’urgentes réflexions. Comment appréhende-t-on l’autre ; comment fait-on sens de l’histoire ; comment s’imagine-t-on le futur, de façon collective? Les trois artistes franco-torontoises, par leurs œuvres, nous incitent à la réflexion et remettent en question les réalités de notre monde actuel. À travers des langages visuels distincts, leurs pratiques interrogent, déconstruisent et s’imaginent des expériences collectives qui tendent vers la transformation.  

Madi Piller opère entre le monde de l’analogique et celui du numérique. La matière cinématographique est à la fois support et sujet des œuvres de Piller; la lumière, la rétine, la caméra, le grain de la pellicule, le glitch. Elle manie ces éléments pour créer des films qui racontent par l’abstraction ses préoccupations face à l’entropie écologique et à la matérialité fragile mais résiliente du médium filmique lui-même. Ses images sont composées en imprimant des végétaux et des spores de champignons directement sur la pellicule, une technique qui fait clin d’œil au cameraless cinema des années soixante et qu’elle transpose dans une nouvelle ère technologique, notamment à l’aide de la réalité augmentée. Sa pratique nous amène ainsi à considérer et à s’interroger sur l’origine et la trace matérielle des images qui circulent tout autour de nous, jusque dans la paume de nos mains. Par son travail auprès de PixFilm Collective, elle préserve la mémoire et la sensorialité du médium filmique, l’actualise, et la remet à l’œuvre pour tenter de révéler ce qui demeure encore imperceptible. 

Une joue, une paupière, une paume écrasée contre le verre, les corps silencieux se transforment, se fragmentent. Sous la lentille de la cinéaste Nadine Valcin, l’expérience collective afrodescendante est incarnée par des visages aux divers contours. Dans la lenteur et en gros plan, les sujets encarcanés tantôt se heurtent contre la paroi vitrée qui les restreint, tantôt renvoient un regard d’une confiance presque inébranlable. Valcin nous confronte, à travers ces portraits synchronisés, à la représentation des corps racisés dans diverses sphères du quotidien, ainsi qu’à la violence symbolique (par exemple, la perpétuation de stéréotypes) qui est renforcée dans les médias. Réalisé dans le cadre de l’initiative The Arts Against PostRacialism de Camille Turner et Philip Howard en 2017, Émergence cherche particulièrement à illustrer de manière viscérale la violence imposée au corps noir et à son image dans le contexte canadien. 

Nicole Croiset, quant à elle, transforme la vitrine en un jardin à papillons. Artiste multidisciplinaire qui s’intéresse, par le biais de projets interactifs et performatifs, à l’espace public et à son usage par les humains, elle crée un environnement virtuel où la vie, cette fois animale, foisonne. Les moyens numériques lui offrent l’opportunité de passer d’un monde, d’une réalité à une autre. À l’aide d’un moteur de jeu vidéo, un écosystème complexe prend forme, inspiré des jardins aménagés pour accueillir les papillons migrateurs (dont plusieurs sont en voie d’extinction) en bordure du lac Ontario. En empruntant au monde réel ses lois physiques et en examinant un site local à Toronto, le jardin virtuel de Croiset se veut plus qu’un simple espace récréatif — il se veut aussi une façon de sensibiliser à la nécessité du soin envers ce qui nous entoure. L’œuvre laisse place à l’émerveillement, et souligne l’importance de ces lisières urbaines, fertiles et riches en biodiversité, où la vie humaine frôle celle de créatures qui parcourent les vents depuis plus de 2 millions d’années.

Au sujet des artistes

Madi Piller est cinéaste, animatrice, programmeuse et commissaire indépendante œuvrant à Toronto. Ses images abstraites et imprégnées de poésie sont tirées d’explorations cinématographiques en Super 8, 16mm et 35mm, ainsi que de photographies et de vidéos. Celles-ci sont fortement influencées par diverses techniques et styles d’animation.Les films de Piller ont été projetés dans des festivals de cinéma, des espaces alternatifs et des lieux d’art contemporain aux niveaux national et international, notamment au TIFF Wavelengths (Toronto); au Festival du Cinéma Jeune (Paris), à la Biennale de La Imagen Movimiento (Buenos Aires), et au Melbourne Animation Festival, en Australie.  www.madipiller.com


Nicole Croiset œuvre à Toronto. Dès le début de sa carrière en France dans les années 1970, ses vidéos, installations et performances sont présentées dans des manifestations nationales et internationales ou diffusées sur des chaînes de télévision en Europe et aux États-Unis. Dans les années 80 et 90, elle participe activement à l’avènement des images de synthèse tridimensionnelles et travaille sur des effets spéciaux pour la télévision et les films animés qui seront primés et diffusés dans des manifestations consacrées aux nouvelles technologies. Depuis les années 1990, elle ne cesse d’explorer et de s’impliquer dans de nouvelles expériences créatives liées à l’interactivité, la réalité virtuelle, et l’immersion grâce à des formats dédiés (VRML) et à des outils numériques développés pour le jeu vidéo.


Nadine Valcin est une productrice, réalisatrice et scénariste primée. Elle réalise et produit des émissions, des magazines pour la télévision, des documentaires et des œuvres cinématographiques qui ont été diffusées sur les réseaux d’information à l’échelle nationale et internationale. Elle travaille présentement sur deux projets documentaires, un sur l’histoire peu connue de Johanne Harrelle et l’autre sur le logement abordable pour l’Office national du film. Nadine s’est mérité de nombreux prix et récompenses dont un bourse Chalmers de développement artistique et un Drama Prize du National Screen Institute. Elle est détentrice d’un baccalauréat en architecture de l’Université McGill et d’une maîtrise en beaux-arts de l’Université OCAD. Elle enseigne dans le programme de production de film et de télévision au Collège Sheridan. www.rebelsandmisfitsmedia.com