Un espace d’exposition alternatif, en collaboration avec l’Université de l’Ontario français
Lieu d’exposition: UOf, 9 Lower Jarvis Street, Toronto
Partenaire: Carrefour des savoirs et de l’innovation
De novembre 2024 à mars 2025, découvrez les œuvres de Tania Love et Noémie Roy présentées consécutivement dans l’enceinte de l’Université de l’Ontario français, un projet commissarié par Mathilde Rousseau. C’est dans le but de faire rayonner les pratiques d’artistes membres du Labo et de favoriser le partage d’expertises entre le milieu des arts et la communauté universitaire francophone que le projet En vitrine fut créé. Les œuvres incitant à la réflexion et à la participation seront accompagnées de projets de médiation développés par deux stagiaires du baccalauréat spécialisé en études des cultures numériques de l’UOf, Stéphanie Salgo et Steve Kawe. Ces contributions permettront aux étudiant·e·s de mettre en pratique leurs apprentissages dans un contexte expérientiel en faisant appel à différentes technologies pour favoriser une médiation culturelle.
TANIA LOVE: Morphogenesis I
avec une contribution de Stéphanie Salgo
07 novembre – 11 décembre 2024
NOÉMIE ROY: L’Épingle filante
avec une contribution de Steve Kawe
13 février – 19 mars 2025
La vitrine du Labo, installée au rez-de-chaussée de l’UOf, devient un écrin pour le projet artistique Résistances silencieuses, protégeant et célébrant une notion impalpable: l’intime.
Comment prendre soin de nos espaces intimes? Comment les réenchanter?
Face à un monde toujours plus hostile, face à des sociétés où la violence, la croissance et l’appropriation dictent les règles, une résistance liée à la douceur, la lenteur et la sobriété est ici proposée. Il s’agit de renverser les perspectives dominantes en mettant en avant le soin et la délicatesse, souvent associés au féminin et méprisés dans une société patriarcale qui valorise la force et la domination, afin de les revendiquer comme des valeurs universelles.
La vitrine devient ainsi un écrin protecteur et réconfortant permettant de dévoiler deux projets hautement intimes, deux voix de femmes, qui nous susurrent à l’oreille des récits corporels et spirituels empreints d’une grande sensibilité.
Tania Love, artiste visuelle, nous invite à la contemplation et à la lenteur, avec une œuvre faite de matériaux naturels et influencée par l’arte povera, Morphogenesis I. De grandes feuilles rougeâtres dévorées par une espèce invasive nous offrent une vision saisissante mêlant beauté et tragédie. En écho au corps humain, – le nôtre, ou celui de l’artiste – un réseau de veines, de poumons et d’artères semble se dessiner.
Noémie Roy, écrivaine et poète, avec L’épingle filante, dévoile un autre versant de l’intime: celui d’une résistance qui se vit en soi, en famille, dans son propre corps, et qui implique l’exercice du soin. C’est celui de la maternité. Dans une scénographie délicate, poétique et empreinte de fragilité, comme une métaphore du foyer familial, ses poèmes viennent traduire l’émerveillement et l’étonnement qu’elle a éprouvés quand elle a rencontré son nouveau-né, puis l’a vu grandir. Ils reflètent également la malédiction latente liée à la croissance de l’enfant qui sera tôt ou tard confronté à l’hostilité du monde.
Le travail de médiation numérique des étudiant·e·s de l’UOf
Retour sur le processus de travail de médiation de Stéphanie Salgo autour de l’œuvre de Tania Love, Morphogenesis I:
Dès les premiers échanges avec Tania Love, j’ai été captivée par la dimension tactile de son travail artistique. Cela m’a amenée à réexaminer notre rapport au toucher, notamment dans un contexte numérique. Le toucher qui, au premier abord, est envisagé comme un de cinq sens, joue aussi un rôle dans les technologies dites « digitales », en réference aux doigts. J’ai trouvé intéressant d’explorer cette dimension numérique du toucher sur des écrans, particulièrement les écrans de téléphones mobiles. Après tout, les téléphones multifonctions abritent aussi des données et détails privés, voir intimes. Ils informent nos liens avec nos proches, et rendent possibles des expériences personnelles marquantes, émotionnelles et émouvantes.
Dans ce contexte, le travail avec la réalité augmentée sur téléphone mobile s’est manifesté comme un choix naturel. Ainsi, ce projet de médiation a pour but d’offrir une réflexion portant sur les relations dynamiques entre corps et environnements naturels. Pour ce faire, l’expérience du projet se fait via l’application mobile de réalité augmentée Adobe Aero. Le projet de médiation est accessible via un code QR placé sur la vitrine de l’œuvre de l’artiste. Une fois le code QR scanné, il mènera au téléchargement de l’application Adobe Aero, disponible gratuitement sur iPhone autant que sur les appareils Android. Par la suite, il faudra scanner à nouveau le code QR afin d’accéder à l’œuvre de médiation.
Cette œuvre de réalité augmentée invite à situer son corps en relation à une feuille numérisée, prélevée de l’œuvre de l’artiste en vitrine. Une fois l’application Adobe Aero téléchargée et le code QR scanné à nouveau, la feuille apparaîtra comme élément à placer sur une surface horizontale via la caméra du téléphone. Lorsqu’elle sera placée à l’endroit choisi au sol, la feuille commencera à s’animer par des pulsations semblables au rythme de battements de cœur. Se rapprocher de la feuille déclenchera aussi de l’audio.
La trame sonore accompagnant la pulsation de la feuille est tirée d’enregistrements de sons, captés par le collectif de design sonore Sonoquilibrium, provenant de l’intérieur de troncs d’arbres. Ce paysage sonore invite à la réflexion et au questionnement : l’intérieur des arbres fait-il du bruit ? Oui, car la circulation de la sève à travers l’arbre est analogue à la circulation du sang dans les corps humains.La feuille numérisée et animée à l’écran augmente l’expérience des liens créés en présence de l’œuvre de l’artiste. Elle invite particulièrement à ressentir les liens poétiques entre les veines des feuilles de l’artiste, à échelle humaine, et les nôtres.
Bien qu’il soit recommandé d’activer l’expérience devant la vitrine exposée à l’UOF, elle se prête au déploiement dans d’autres contextes et lieux. Il est également possible de photographier l’expérience de réalité augmentée à l’aide d’un bouton déclencheur superposé à la scène.
Texte de Stéphanie Salgo – Site web du Pôle d’études et de recherche en cultures numériques de l’UOf
Au sujet des artistes et de la commissaire
Mathilde Rousseau
Mathilde Rousseau est une travailleuse culturelle et commissaire émergente basée à Toronto. Elle a étudié l’histoire de l’art à l’École du Louvre à Paris, puis la médiation culturelle. À travers son travail, elle s’engage à promouvoir l’inclusion de tous les publics et à lutter contre l’élitisme dans le domaine de l’art. Elle explore également de nouvelles voies de résistance face aux dérives de nos sociétés post-modernes, aux systèmes oppressifs et écocides, en plaidant pour le ralentissement, la douceur et le soin.
Tania Love
Tania Love est une artiste visuelle qui travaille et vit à Toronto. Son œuvre s’inspire de la relation avec le lieu dans lequel se déploient ses œuvres, et d’une connexion avec la nature. Elle privilégie le processus, la lenteur et la sensorialité, tout en employant une gamme de matériaux naturels. Elle a bénéficié de nombreuses bourses et résidences, en a exposé au Canada et à l’étranger.
Noémie Roy
Noémie Roy est autrice, artiste pluridisciplinaire et enseignante. Elle a participé à certains numéros des revues Exit et Zinc. En 2021, elle publie son premier recueil de poésie Parmi celles qui flambent (Les Herbes rouges). Née au Québec, elle emménage à Oshawa en 2022. Si elle visite les interstices des provinces, des disciplines et des genres littéraires, son travail explore toujours les différentes facettes de la transformation : le vieillissement, la guérison, le soin, et ce, avec le besoin de se lier à soi, aux autres et au monde.